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Interview de Stéphane Bergamini - Délégué général de France Chimie Méditerranée

À l’heure où la compétitivité de l’industrie chimique française est mise à l’épreuve par la hausse des coûts de l’énergie, une réglementation de plus en plus contraignante et une concurrence mondiale féroce, le secteur fait face à d’importantes difficultés. Engagé dans une transition vers des procédés plus durables et la décarbonation de ses activités (les industriels de la chimie ont baissé leurs émissions de CO2 de 63 % depuis le début des années 90), ce secteur joue un rôle stratégique, un maillon essentiel de nombreuses chaînes de productions industrielles. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, il représente un moteur économique et un vivier d’emplois incontournable, notamment autour de l’Étang de Berre.

6
February
2025

Sonia Bellit, Directrice des études de l’Institut Enterritoires, s’est entretenue avec Stéphane Bergamini, Délégué général de France Chimie Méditerranée, dans le cadre de la démarche Provence Fabrique des Possibles, qui regroupe une centaine de dirigeants d’entreprises et de réseaux professionnels, pour faire de la région PACA un leader de la décarbonation de l’industrie. Stéphane Bergamini revient sur l’état du secteur, ses défis et les leviers nécessaires pour garantir sa souveraineté et sa compétitivité :

Pour commencer, pourriez-vous nous présenter le secteur de la chimie en soulignant son rôle stratégique, tant à l’échelle nationale qu’au sein de la région PACA ?

La chimie est un secteur clé pour la souveraineté économique et industrielle de la France. Avec un chiffre d’affaires de 108 milliards d’euros, dont 74 % réalisés à l’export, il est le premier secteur exportateur du pays, affichant un solde commercial positif. La France occupe une place majeure sur la scène internationale, se positionnant au 2ᵉ rang européen et au 7e rang mondial. Le secteur emploie aujourd’hui 228 000 salariés et regroupe plus de 4 000 entreprises sur le territoire.

En région PACA, la chimie représente un vivier d’emplois essentiel avec 14 000 postes, soit 8 % des effectifs nationaux, et un taux de CDI élevé (93 %). Géographiquement, l’activité se concentre autour de l’Étang de Berre et se divise en trois sous-secteurs : l’industrie chimique traditionnelle (55 % des emplois du secteur dans la région), l’industrie de la parfumerie, des cosmétiques et des huiles essentielles (35 % des emplois), ainsi que l’industrie pharmaceutique (14 %). La région profite de l’essor de l’industrie de la parfumerie qui est en passe de devenir la filière la plus exportatrice en France mais pâtit, à l’inverse, du déclin de l’industrie pharmaceutique qui a connu une chute de 18 % de ses emplois depuis 2006.

Particularité notable, alors que la chimie traditionnelle a souffert de fortes destructions d’emplois au niveau national, on observait en PACA la dynamique inverse, avec la création de postes.  

Comment décririez-vous aujourd’hui la situation du secteur de la chimie en France ?

Le secteur subit un déficit de compétitivité lié à un coût de l’énergie qui risque de rester durablement élevé, une demande européenne en berne et une concurrence exacerbée par les surcapacités de la production en Chine et en Inde. Sur ce dernier point, nous assistons en effet à un déversement de la production chinoise et indienne à prix cassés en Europe sur de nombreux segments, dont la chimie. Cette perte de compétitivité n’affecte plus seulement les activités en amont mais aussi toute la chaîne de valeur de l’industrie. France Chimie a identifié 15 000 emplois et des sites importants à risque, représentant 8 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Parmi eux, on compte des sites qui contribuent directement à la souveraineté technologique de l’Europe. La préservation et la modernisation de ces sites est indispensable si l’on veut éviter de nouvelles dépendances vis-à-vis de l’étranger sur des filières stratégiques. Par ailleurs, la fragilisation du secteur risque de détériorer l’empreinte carbone de la France sur laquelle la branche chimie est engagée depuis le début des années 90.

L’industrie de la chimie est au bord du précipice. Nous avons une urgence à redonner de l’oxygène au secteur de la chimie en France. France Chimie Méditerranée veut faire comprendre aux décideurs politiques les contraintes et les menaces graves qui pèsent sur l’industrie de notre zone méditerranéenne. Notre présence dans la démarche « Provence Fabrique des Possibles » en est le témoignage.  

Quels sont, selon vous, les grandes priorités pour une industrie de la Chimie souveraine et compétitive en France ?

La fédération a identifié des axes prioritaires :

  • Défendre un accès à une électricité compétitive, condition préalable à la transition énergétique des activités ;
  • Faciliter la mise en œuvre du plan d’efficacité hydrique des sites ;
  • Promouvoir les métiers pour faciliter les recrutements et renouveler les compétences. Il y a un vrai enjeu de compétitivité, d’autant que les métiers de la chimie sont très innovants

En 2025, je continuerai à alerter et à expliciter les risques qui pèsent sur nos sites et les emplois en France.  

Il est urgent d’engager un choc de simplification réglementaire : la réglementation est trop forte, trop prégnante et les entreprises n’ont pas toutes la même capacité d’assimilation de la réglementation française et européenne.

Il faut ainsi rétablir un cadre de juste concurrence au niveau international. Ces priorités doivent également inclure la poursuite du dialogue social au sein de la Branche, afin de soutenir à la fois les entreprises et les salariés. Par ailleurs, il est essentiel d’exploiter l’Intelligence Artificielle pour optimiser l’excellence opérationnelle et d’adapter les sites aux défis du changement climatique.

France Chimie Méditerranée s’attache à donner un visage à la chimie en région PACA et à rappeler son rôle fondamental : la chimie est partout dans notre quotidien. Présente dans une multitude de secteurs – mobiliers, parfums, arômes alimentaires, médicaments – , elle est un moteur d’innovation et de développement. Elle occupe également une place centrale dans les investissements d’avenir, notamment dans des domaines stratégiques comme l’hydrogène et les batteries pour véhicules électriques.